vendredi 23 juin & samedi 24 juin 2017 / 21:00
Groupe Divirsioni
VOICES
Harold PINTER
2 pièces :
Family Voices & Victoria Station
Family Voices
Le titre originel en anglais Family voices est traduit en français par Les voix du sang.
Pourtant, pas de sang dans cette pièce courte et dense, mais plutôt l’évocation des dégâts irrémédiables causés par ces fameux « non-dit » bien souvent trop nombreux dans les relations familiales.
Nous sommes aux antipodes de ce que le mot famille a de protecteur et de chaleureux.
Relevant du registre épistolaire, le texte met en scène un jeune homme et sa mère au travers des lettres qu’ils s’écrivent.
Le jeune garçon lui raconte sa nouvelle vie très agréable ; il s’entend parfaitement avec sa logeuse, il a des petites amies, il dresse le portrait des autres locataires.
Mais, plus il le clame, plus son ton dément ce qu’il dit, et mieux on comprend qu’il nous livre le contenu de lettres volontairement rassurantes envoyées à sa mère. Finissant à chaque fois par l’assurer de sa tendresse, il se met petit à petit à hurler.
Ce que dit son personnage dépeint par Harold Pinter peut être elliptique ou apparemment incohérent mais rien n’est jamais creux. Sa mère lui demande pourquoi il ne lui écrit pas. Elle ne reçoit pas ses lettres. Le malaise lié au manque de crédibilité du fils débouche sur un suspense :
Qui croire, où en est-on ?
Des propos de sa mère, il ressort que le père est mort sans avoir revu son fils.
Les révélations s’entrecroisent, les accusations et les reproches fusent.
Et l’on assiste à une descente dans de petits enfers familiers.
Apparu de l’au-delà, le père confie - c’est la dernière phrase du texte- « J’ai tant de choses à te dire … »
On ne saura jamais lesquelles…
« Voix 1 : Je prends des bains superbes dans cette salle de bains. De même que tous les autres gens de la maison. Il s’s’allongent tout nus dans la baignoire et s’offrent des bains vraiment superbes. Ils racontent littéralement à tout le monde qu’on prend des bains épatants dans cette maison, des bains quasiment sans pareils pour dire les choses carrément.
Voix 2 : Peut être devrais je te rayer de ma mémoire. Peut-être devrais je te maudire comme ton père t’a maudit. Oh ! je prie le ciel que ta vie soit un enfer. J’attends ta lettre dans laquelle tu me supplieras d’aller jusqu’à toi. Je cracherai dessus. »
Victoria Station
Courte fable comico-onirique, ce texte met en scène le dispatcher
(radio-taxi) et un chauffeur de taxi, le n°274.
Crée au National Théâtre de Londres en 1982.
Puis en français au Festival d’Avignon en 1987 par la Comédie Française.
La pièce démarre par une question que pose le radio-taxi au chauffeur 274 « Où êtes-vous ? ».
La réponse n’a pas d’importance.
Puis le radio-taxi tente de guider le chauffeur à travers les quartiers de Londres.
Mais le chauffeur ne parvient pas à se situer et semble ne pas savoir dans quelle époque il se trouve.
Il pense qu’il a un passager, il pense qu’il a une femme, ou une fille ou peut-être les deux,
mais rien n’est sûr, tout est sujet à débat.
Y a-t-il vraiment un taxi ? un chauffeur ? un radio-taxi ?
2 personnages et les temps de silence pour exprimer les jeux de pouvoir du fascisme au quotidien.
Dispatcher : Allez à Victoria Station
Chauffeur : Je ne connais pas
Dispatcher : Vous ne connaissez pas ?
Chauffeur : Non. Qu’est-ce que c’est
Silence
Dispatcher : C’est une gare, 274.
Temps
Vous n’en n’avez pas entendu parler ?
Chauffeur : Non quel genre d’endroit c’est ?
Temps
Dispatcher : Vous n’avez jamais entendu parler de Victoria Station ?
Chauffeur : Jamais non.
Dispatcher : C’est une gare célèbre
Chauffeur : Alors honnêtement je me demande ce que j’ai fait depuis toutes ces années.
Dispatcher : Qu’est-ce que vous avez fait depuis toutes ces années ?
Chauffeur : Honnêtement, je n’en sais trop rien.
Temps
Harold Pinter
Prix Nobel de littérature en 2005, Harold Pinter, né en 1930 est originaire de l’East End de Londres, de parents juifs. Petit garçon morose à l’âge de treize ans, il se met à écrire des poèmes."
Il obtient une bourse pour étudier à la Hackney Grammar School, participe à des bagarres contre les sympathisants du fascisme qui harcelaient les Juifs de l’East End juste après la guerre, et refuse de faire son service militaire pour des raisons de conscience.
Il devient comédien et est admis à la RADA, le conservatoire d’art dramatique. Un an plus tard, il part en Irlande jouer du Shakespeare avec la troupe d’Anew Mc Master.
Puis il est admis dans la compagnie Donald Wolfit où il mène jusqu’en 1958 une existence d’acteur en tournée.
Il écrit, en quatre jours sa première pièce en un acte, The Room (La Chambre), en 1957,
The Dumb Waiter (Le Monte-plats) et The Birthday Party (L’Anniversaire).
Puis il ne cesse d’écrire.
L’attitude de Pinter envers le censeur est caractéristique. Il n’accepte pas qu’on modifie ses textes pour la bonne raison que, dans ses pièces, l’écriture a la qualité formelle d’une partition musicale. Les silences, notamment, y jouent un rôle important.
Influencé surtout par Joyce et Beckett, Pinter a la volonté d’être exact, de traquer les angoisses de ses personnages, "l’esprit du souterrain". La structure de ses œuvres, devient progressivement de plus en plus dépouillée. Ses personnages refusent de communiquer, se réfugient dans des dialogues de sourds pour éviter de regarder la réalité en face. (…)
Bien que superficiellement ses dialogues ressemblent étrangement à une reproduction fidèle du langage quotidien, ils ont, en réalité, un rythme poétique. Et la qualité onirique de ses pièces est basée sur la cristallisation progressive d’une image qui, avec la dernière réplique, apporte le choc de la révélation. (…)
C’est l’idée de mensonge qui ressort au cœur de l’œuvre.
Dramaturge et cinéaste, Pinter s’est efforcé tout au long de sa vie d’élever sa voix contre l’hypocrisie et le mensonge. Il associe un style concis, fragmenté et syllogistique à une perception aiguë des métaphores de notre époque. L’instrument le plus spécifique de ce grand humaniste réside dans sa représentation des jeux de pouvoir. Dans son discours du Nobel intitulé Art, Vérité et Politique, Pinter explique comment il lutte contre la « tapisserie des mensonges » : ceux du quotidien, ceux de l’amour et de l’État.
C’est aussi un homme engagé humainement et politiquement, notamment contre la dictature de Pinochet et plus récemment contre les bombardements américains sur l’Irak lors des deux guerres du Golfe.
Il est décédé le 24 décembre 2008.
En 1958 j'ai écrit la chose suivante :
"Il n'y a pas de distinctions tranchées entre ce qui est réel et ce qui est irréel, entre ce qui est vrai et ce qui est faux. Une chose n'est pas nécessairement vraie ou fausse ; elle peut être tout à la fois vraie et fausse."
Je crois que ces affirmations ont toujours un sens et s'appliquent toujours à l'exploration de la réalité à travers l'art. Donc, en tant qu'auteur, j'y souscris encore, mais en tant que citoyen je ne peux pas. En tant que citoyen, je dois demander : Qu'est-ce qui est vrai ? Qu'est-ce qui est faux ?
La vérité au théâtre est à jamais insaisissable. Vous ne la trouvez jamais tout à fait, mais sa quête a quelque chose de compulsif. Cette quête est précisément ce qui commande votre effort. Cette quête est votre tâche. La plupart du temps vous tombez sur la vérité par hasard dans le noir, en entrant en collision avec elle, ou en entrevoyant simplement une image ou une forme qui semble correspondre à la vérité, souvent sans vous rendre compte que vous l'avez fait. Mais la réelle vérité, c'est qu'il n'y a jamais, en art dramatique, une et une seule vérité à découvrir. Il y en a beaucoup. Ces vérités se défient l'une l'autre, se dérobent l'une à l'autre, se reflètent, s'ignorent, se narguent, sont aveugles l'une à l'autre. Vous avez parfois le sentiment d'avoir trouvé dans votre main la vérité d'un moment, puis elle vous glisse entre les doigts et la voilà perdue.
Le langage, en art, demeure donc une affaire extrêmement ambiguë, des sables mouvants, un trampoline, une mare gelée qui pourrait bien céder sous vos pieds, à vous l'auteur, d'un instant à l'autre.
Mais, comme je le disais, la quête de la vérité ne peut jamais s'arrêter. Elle ne saurait être ajournée, elle ne saurait être différée. Il faut l'affronter là, tout de suite…
Quand nous nous regardons dans un miroir nous pensons que l'image qui nous fait face est fidèle. Mais bougez d'un millimètre et l'image change. Nous sommes en fait en train de regarder une gamme infinie de reflets. Mais un écrivain doit parfois fracasser le miroir - car c'est de l'autre côté de ce miroir que la vérité nous fixe des yeux. Harold Pinter /extrait du discours Prix Nobel 2005
CHANTS
A capella:
The trees they do grow high / Somerset Folk Song
I can’t stop loving you / Don Gibson et Ray Charles
Groupe DIVIRSIONI, né de l’Atelier Théâtre Mouvement Musique (2007-2013)
est dirigé par Catherine Graziani,
actrice et metteur en scène au sein de la compagnie Théâtre Alibi.
Pour ces deux textes, seulement 2 hommes et 2 femmes.
Certains sont professionnels de la scène.
Tous ont une pratique théâtrale, musicale et/ou chorégraphique.
DISTRIBUTION
Misandra Fondacci
Candice Moracchini
Clément Carvin
Philippe Descamps
Luca Villanueva-Luciani
Mise en scène : Catherine Graziani
Lumière : Sylvaine Comsa
www.theatrealibi.com
une production de la Compagnie Théâtre Alibi
conventionnée par la Collectivité Territoriale de Corse et la Ville de Bastia
soutenue par les entreprises européennes et insulaires :
Corsica Ferries, Corsefret, Hôtel Central, Domaine Granajolo, SPIM, OZIA
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