Seul, sur une île, un homme, un général, compte le nombre de morts, migrants ou réfugiés, disparus, noyés en mer en tentant de rejoindre leur rêve : celui d’atteindre l’Europe pour mieux vivre ou pour vivre en sécurité simplement. Il compte à en perdre la raison. Mais derrière les nombres qui défilent, la liste des disparus, il y a les vies inventées, imaginées, retrouvées auxquelles s’attache cet homme.
Ce spectacle, mis en scène par Catherine Graziani est interprété par François Bergoin.
La chanteuse béninoise Sika Gblondoumé accompagne cette traversée.
Amnesty International France soutient ce spectacle.
Ce texte écrit par Marco Martinelli met en scène un général sicilien employé par le ministère de l’Enfer dans une île du Canal de Sicile. Sa tâche est de comptabiliser les morts, noyés, partis des côtes africaines pour rejoindre l’Eldorado européen. Il donne corps aux corps en imaginant leurs vies, leurs départs, leurs espoirs, leurs combats face aux eaux.
Bruits d’Eaux est un hommage à ces femmes, ces enfants,
ces hommes dont l’espoir a sombré dans les flots.
Il ne s’agit pas d’une épopée tragique mais bien d’une tragédie contemporaine, qui n’existait qu’en italien.
Nous avons fait appel à Jean-Paul Manganaro, traducteur émérite des auteurs italiens contemporains.
J’ai souhaité que ce Général dont on ne connaît ni le passé ni le futur (en aura t’il un ?) soit perdu dans un espace brumeux, évoquant un îlot au milieu des eaux, qui obscurcit l’horizon, l’emprisonnant dans ses pensées. Pour ne pas renforcer la dimension tragique du texte j’ai demandé à François Bergoin, acteur, une sobriété et une simplicité de jeu.
Scénographiquement, la verticale s’est imposée : phare, vigie, observatoire ? L’Atelier MOA, atelier de scénographie a conçu avec élégance une machine - outil -observatoire, structure de métal et de bois qui se dresse au centre du plateau, tel un exutoire à la souffrance du Général.
J’ai voulu que le continent africain soit présent autrement que par sa seule évocation ; non pour renforcer la dualité Afrique / Europe, mais pour construire une passerelle entre ces deux continents. J’ai imaginé qu’une chanteuse africaine accompagne ce voyage. Il ne s’agit pas d’enjoliver ou d’adoucir le propos mais bien de rendre justice à ces femmes et ces hommes prêts à tout pour accéder à un monde meilleur, en quête d’une nouvelle vie… Ces chants pourraient bien être la conscience du Général, la part la plus pure de son âme. La voix rédemptrice de Sika Gblondoumé, jeune chanteuse africaine d’origine béninoise, résonne comme un apaisement aux maux de l’humanité. Nous avons voulu utiliser un corpus de chants usuels comme symbole aux deux portes de la vie (berceuses et chants funéraires).
Si le texte, la musique, les paroles chantées sont imbriqués, l’espace lui, n’est jamais partagé par les deux protagonistes. Le Général et la chanteuse sont radicalement différents : l’un est enlisé dans le brouillard, sur son îlot, dans son costume trop grand, l’autre est éthérée dans une robe blanche vaporeuse.
L’univers lumineux proposé par les projections de Fabien Delisle, fidèle collaborateur de la compagnie, renforce cette déferlante de chiffres. Le Général compte les noyés. Les chiffres se succèdent en rafale. Les êtres humains ne sont plus que des numéros sans passé, sans avenir. Les seules images projetées sont ces nombres, dans tous les sens, mouvants jusqu’à provoquer une indigestion.
L’éclairage, parfois éblouissant, rappelle la brûlure du soleil d’Afrique.
J’ai imaginé un travail sur l’image de l’aller–retour.
Allers retours incessants entre l’Afrique et l’Europe.
Entre ce que l’on croit atteindre et ce que l’on abandonne.
Entre l’Ici et l’Au delà…
Catherine Graziani
metteur en scène
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