LES ZUMINS

jeudi 11 & vendredi 12 mai 2017 / 21:00

L’action restreinte

La Fabrique de théâtre, site européen de création, accueille pour la cinquième année les étudiants littéraires de Bastia! L’atelier conduit par Catherine Graziani et François Bergoin chaque mercredi leur permet de découvrir les métiers du spectacle vivant dans des conditions professionnelles, de travailler sur le potentiel spectaculaire des textes poétiques et de mettre en jeu - littéralement - corps, mouvement, voix,  rapport à l’autre, sur le plateau.

La proposition de cette année procède du modeste bricolage linguistique et de la performance. Le hasard, toujours objectif, a voulu que se rencontrent une date de spectacle et une date politique. Pas question de tenir un discours engagé, de distribuer des tracts ou de hurler son opinion. Mais l’envie de jouer du heurt entre deux usages de la parole : celle qu’on n’entend que trop, usée, usante, finissant par ne plus rien dire ; celle qu’on entend trop peu et qui cherche à donner voix à l’essentiel - le brouhaha d’une parole politique devenue insane, inaudible, à force de rhétorique ;  la parole poétique, ténue, confidentielle, insistante, forçant le pas de côté. Que répondre à Breton : «  la médiocrité de notre univers ne dépend-elle pas essentiellement de notre pouvoir d’énonciation? » Oui,  s’il s’agit de prendre la mesure du pouvoir de nos mots - reprendre pouvoir sur nos propres maux.

Faire entendre la poésie contemporaine, montrer son pouvoir de déflagration, d’insurrection joyeuse, lorsqu’elle prend la forme et la voix de Charles Pennequin, le poète au mégaphone. Poésie qui tient de la performance, du poème-conversation, du montage ou du collage, poésie corrosive et ludique qui cherche la dissonance et appelle à résister contre l’indifférence. Poésie pour accompagner une marche en des temps de détresse : Rainer Maria Rilke, Cioran, Edgar Lee Masters, Jaccottet, Sophie Calle, Pennequin, Supervielle, Maulpoix, Léon-Gontran Damas - poètes, plasticiens, écrivains, poésie humble, haute poésie, profane ou sacrée, diction ou écriture, la diversité des projets poétiques pointe toujours en direction d’un réveil de la langue. Insurrection poétique! Recours au poème, dernier recours. Secours du poème contre les facilités d’une parole endormie.

Le projet propose trois tableaux.

Brouhaha où s’affrontent le discours des politiques, les vociférations du performer et l’appel du poète à un plus haut sens.

Dressage où l’on sur-joue les petites cérémonies du quotidien qui apaisent et anesthésient.

Vies où la parole modeste et vraie recueille les bribes de nos vies infra-ordinaires.

Le cru et le cuit disent les ethnologues. Clairement, c’est ici le cru. Non la culture monument, mais la culture événement - non le panthéon paresseux mais l’atelier créatif. Evidemment, à Bastia, il n’y a qu’un lieu pour cela. Fragile, précieux, indispensable.

 

Emmanuel Boisset

professeur de Lettres Modernes-classes préparatoires littéraires du Lycée Giocante De Casabianca-Bastia

 

 

 

 

 

 

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Informations :
Réservations :04 95 39 01 65
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